Remember Paoli! La guerre d'Indépendance Américaine inspirée par la Corse
Si tout le monde sait que la Constitution Corse de 1755 a inspiré les pères fondateurs américains pour la leur, peu savent à quel point les Corses ont inspiré les Fils de la Liberté, révolutionnaires américains. Et très rares sont ceux qui savent que les 2 plus vieux monuments aux morts des USA sont celui de Lexington, et celui de Paoli. On pourrait presque qualifier Pasquale Paoli de "Grand Père Fondateur" des Etats Unis.
La France, l'Angleterre, les USA (ou plutôt ses 13 colonies)... et la Corse au milieu. Au XVIIIè Siècle, France et Corse étaient ennemis, France et Angleterre étaient ennemis, pour ces raisons Corse et Angleterre nouèrent des relations amicales. L'Angleterre aida la Corse à se libérer de la France après la victoire militaire française de Ponte Novu en 1769. C'est ainsi, après avoir bouté les Français hors de Corse après 1 an de batailles (dont la dernière fut le Siège de Calvi, celle là même où le bien connu Amiral Horatio Nelson perdit son oeil), que naquît u Riame di Corsica, dernière période d'indépendance de la Corse, de juin 1794 à octobre 1796.
Mais comme France et Angleterre étaient ennemis, bien logiquement les USA trouvèrent dans la France un grand allié dans leur guerre d'indépendance de l'Angleterre... inspirée par la Corse se rebellant contre Gênes puis la France. Sacré carré amoureux.
Les prémisses de la Révolution Américaine
La deuxième moitié du XVIIIè est une époque très riche de faits historiques, c'est aussi l'essor des Lumières, et à cette époque déjà, il est une lanterne en Méditerranée qui irradie beaucoup, bien qu'on ne le mentionne pas en cours d'Histoire (pas en France en tous cas).
Outre Atlantique, les colonies anglaises d'Amérique sont sous tension. Si la Guerre d'Indépendance Américaine éclate officiellement en 1775 avec la bataille de Lexington et Concord, c'est 10 ans plus tôt que commencent réellement les tensions et premières hostilités des colons face à la couronne. En 1765, la Corse est de nouveau indépendante depuis 10 ans, elle prend son essor, son Université est fondée cette année là. Dans le même temps l'Angleterre se relève difficilement de la Guerre de Sept Ans (qui a pris fin en 63), les finances ne sont pas au beau fixe, d'autant plus qu'il faut entretenir l'armée protégeant les colonies d'Amérique. Le Parlement britannique vote donc le Stamp Act destiné à renflouer les caisses. Oui, contre toutes attentes les français ne sont pas les inventeurs du timbre fiscal. Le Stamp Act instaurait que, dans les 13 colonies d'Amérique, tout contrat, tout acte notarial, bail, journal, tout jusqu'aux cartes à jouer (...) devait être apposé d'un timbre fiscal. Un prélèvement un peu lourd et abusif donc.
C'est à ce moment que vont commencer à se faire connaître Les Fils de la Liberté.
Les Fils de la Liberté
Le nom de "Fils de la Liberté" est d'abord un nom informel, désignant simplement les habitants des colonies. Il prend naissance dans la Chambre des Communes britannique (la Chambre basse du Parlement britannique) lors des débats sur le Stamp Act. Les américains des colonies ne sont d'ailleurs pas représentés au parlement britannique, avec la lourde imposition c'est donc une double peine puisqu'il n'ont pas leur mot à dire.
Un petit groupe de 9 commerçants va se former à Boston, les Loyal Nine, pour protester et s'organiser contre le Stamp Act. Ils vont tout de suite recruter Ebenezer Mackintosh chargé de ramener plus de monde et rameuter les foules. Leur point de rencontre de prédilection : the Liberty Tree.
À force de revendications populaires, les notables et représentants du peuple en Amérique vont donc commencer à s'organiser pour exprimer leur mécontentement vis à vis du Stamp Act, et c'est Patrick Henry qui va présenter le premier une série de mesures politiques contre le Stamp Act. Le mot d'ordre : pas de Taxation sans Représentation (politique au Parlement britannique), un slogan de l'avocat James Otis. À force de contestation et de boycott, les anglais vont finir par céder l'année suivante et abroger le Stamp Act. Sauf que, histoire de ne pas perdre la face et asseoir leur autorité, le jour même de l'abrogation ils votent le Declaratory Act affirmant la pleine souveraineté britannique sur les 13 colonies. Une sorte de pied de nez : Pas de taxation, ok, mais pas de représentation ni votre mot à dire pour autant, c'est nous qu'on décide.
À partir de là ça ne va plus finir de pleuvoir de nouveaux Acts de taxation sur les colonies notamment les Townshend Acts, c'est là que commencent vraiment à s'organiser Les Fils de la Liberté. Depuis Boston jusque dans les 13 colonies, Samuel Adams, Paul Revere, John Adams, John Hancock, James Otis, Patrick Henry, Ebenezer Mackintosh, Joseph Warren, et des dizaines d'autres, s'organisent et fondent les Fils de la Liberté.
Les Townshend Acts finiront par être abrogés, sans éviter la monté toujours plus grande de tensions outre-Atlantique, et céderont la place au Tea Act en 1773. Et là c'est la goutte d'eau qui fait exploser la poudrière.
1è ligne : Samuel Adams • Benedict Arnold • John Hancock • Patrick Henry • James Otis, Jr.
2è ligne : Paul Revere • James Swan • Alexander McDougall • Benjamin Rush • Charles Thomson
3è ligne : Joseph Warren • Marinus Willett • Oliver Wolcott • Christopher Gadsden • Haym Salomon
Tea Party
Le Tea Act de 1773 prévoit que le thé vendu par la Compagnie des Indes Orientales serait totalement détaxé, alors que tout l'était lourdement dans les colonies. Encore une source d'inspiration pour les Français et leurs lois douanières de 1818 contre la Corse. Le Tea Act va provoquer le boycott du thé de la Compagnie des Indes, mais surtout, la Tea Party (la fête du thé, au sens figuré bien sûr).
Dans les autres villes où étaient livré le thé de la Compagnie, les bateaux ont été empêchés d'accoster, et durent retourner en Angleterre avec tout leur thé, mais pas à Boston. À Boston, le gouverneur a réussi à faire en sorte que les 3 bateaux (le Dartmouth, le Eleanor, et le Beaver), chargés de thé, de la Compagnie des Indes arrivent à bon port et y restent. Les Fils de la Liberté de Boston, sous l'impulsion protestative de Sam Adams, organisent la Boston Tea Party : le 16 décembre au soir, 60 d'entre eux vont monter sur les trois navires de la Compagnie Anglaise des Indes Orientales, déguisés en Mohawks, et jeter par dessus bord toute leurs cargaisons de thé. Au total ce sont 92 000 livres de thé (soit environ 46 tonnes) qui vont finir dans l'eau, pour une valeur totale d'environ 1.7 Millions de dollars actuels.
L'Histoire n'a jamais réussi à trancher si Sam Adams, bien que l'ayant initié, a participé à la Tea Party, mais on sait que parmi les figures de proue des Sons of Liberty, il y avait au moins Paul Revere, John Hancock, et Ebenezer Mackintosh. Si la bataille de Lexington marque officiellement le début des hostilités militaires de la guerre d'indépendance américaine, c'est la Tea Party qui acte vraiment le début de la révolution.
La Corse dans tout ça ?
Bien qu'un océan les sépare, les colonies se tiennent informées de ce qu'il se passe en Europe, et suivent l'actualité politique avec beaucoup d'attention, et de décalage car une traversée Europe-Amérique prenait environ 3 mois.
La passion de Paoli lui a valu l'estime et l'admiration de beaucoup de grands esprits qui lui étaient contemporains en Europe tels que William Pitt le 1er ministre de Grande Bretagne, Edmund Burke, le Dr. Samuel Johnson, Catharine Macaulay, David Hume, Jean-Jacques Rousseau, Voltaire, Léopold II grand-duc de Toscane, Catherine II, la Grande, Impératrice de Russie, Frédéric le Grand, roi de Prusse etc.
Pour l'anecdote, William Pitt, le premier ministre de Grande Bretagne l'appelait "a hero out of Plutarch" (un héros de Plutarque). Frédéric le Grand, roi de Prusse avait qualifié Paoli de "plus grand héros de cette ère". Pasquale Paoli a vraiment passioné l'Europe entière, et cette passion a franchi l'Atlantique. Donnant un élan d'inspiration aux Fils de la Liberté dans leur lutte d'émancipation. À tel point qu'Ebenezer Mackintosh, cité plus haut, the First Captain General of the liberty tree in Boston, vétéran de Ticonderoga, ayant participé à la Boston Tea Party, a appelé son premier fils, né le 31 mars 1769, Paschal Paoli Mackintosh. William Molineaux (lui n'a pas de page Wikipedia), Fils de la Liberté de la première heure, déjà de l'époque des Loyal Nine, tenait même à se faire appeler non pas William, ni Bill, mais Paoli Molineaux.
En fait, pendant la crise du Stamp Act, Paoli était une vraie star dans les colonies d'Amérique, les journaux, notamment de Philadelphie mais de toute la Pennsylvannie sortaient même des articles sur Paoli chaque semaine. Entre 1763 et 1770 c'est plus de 650 articles qui ont été écrits sur Paoli par la Pennsylvania Gazette et plus de 500 par le Pennsylvania Journal. Le New York Journal a même qualifié Paoli en 1768 de greatest man on earth (le plus Grand homme sur Terre). Son succès était tel que le livre de James Boswell An Account of Corsica: The Journal of a Tour to that Island; and Memoirs of Pascal Paoli publié en 1768 a dû être réimprimé 2 fois pour s'être vendu à plus de 11 000 exemplaires dans les colonies (c'était énorme pour l'époque).
En réponse à un article parisien chariant américains et corses, Benjamin Franklin écrira Deux grandes et puissantes Nations emploient leurs forces dans la destruction de la Liberté Civile! (Two great and powerful Nations are employing their Forces in the Destruction of Civil Liberty!) en parlant de la Grande Bretagne pour les 13 colonies, et de la France pour la Corse.
Thomas Paine, lui, a dédicacé un poème à la lutte corse, paru dans le Pennsylvania Magazine, dans lequel il qualifie les Corses de compagnons de lutte pour la Liberté ("fellow freedom fighters").
La Bataille de Paoli
Pasquale Paoli étant une star, des tas d'auberges et tavernes portaient son nom. Mais une marqua l'histoire, la taverne de Joshua Evans, qu'il batît en 1769 et nomma General Pasquale Paoli's Tavern, en pleine campagne sur une route carrefour à 35 km de Philadelphie. Au fil des années un hammeau s'est construit autour de cette taverne pour devenir l'actuelle ville de Paoli, Pennsylvanie d'environ 6000 habitants aujourd'hui, à l'instar de Corti :).
À la croisée des chemins, cette taverne était un des points de chutes des Fils de la Liberté.
Ce fut surtout le point de chute, à la fin de l'été 1777, des troupes du Général de Brigade "Mad" Anthony Wayne, ou plutôt le champ juste à coté de la taverne qui le fut. Nous sommes en pleine Guerre d'Indépendance, durant la Campagne de Philadelphie. Après la retrait à la Bataille de Clouds, le 16 septembre 1777, le Général George Washington confie une partie de ses troupes (la Division Lincoln, forte de 2 500 hommes) à Anthony Wayne pour se cantonner à coté de la taverne du General Paoli, et protéger Philadelphie de l'avancée des troupes anglaises du Lieutenant Général William Howe. Wayne attend les anglais qui ne sont pas censés savoir que sa division est là. Mais les éclaireurs de Howe finissent par lui apprendre sa présence et sa position le 19 septembre. Il fait planifier une attaque surprise pour le lendemain soir. L'attaque sera menée par le Général Charles Grey dès 22h et en 3 vagues successives. Grey avait donné pour consigne de décharger tous les mousquets et de n'attaquer qu'à la baillonnette pour ne pas faire de bruit et bénéficier du plus grand effet de surprise. Fatalement à l'arme blanche et par surprise, la bataille fut une terrible boucherie. On a rapporté que les troupes anglaises ont même découpé des soldats qui se rendaient. Les anglais furent victorieux et n'eurent pour ainsi dire pas de pertes (7 morts seulement coté anglais alors qu'ils étaient 1200 contre 2500), les américains furent enterrés sur place dès le lendemain. Le Paoli Memorial fut donc le 2è plus vieux monument aux morts des USA, le plus vieux étant celui de la bataille de Lexington.
Cette bataille laissa une grande amertume chez les troupes américaines qui jurèrent de se venger de ces atrocités. À tel point que sur tous les fronts de Pennsylvanie à compter de cette date, le cri de guerre de l'armée Continentale était devenu "Remember Paoli!" (Souvenez-vous de Paoli).
Monument aux morts de Paoli, Malvern, Pennsylvanie.
Postérité
La Constitution corse fut une source d'inspiration pour la Constitution américaine.
Préambule de la Constitution americaine, 1787 :
Nous, le Peuple des États-Unis, en vue de former une Union plus parfaite, d'établir la justice, de faire régner la paix intérieure, de pourvoir à la défense commune, de développer le bien-être général et d'assurer les bienfaits de la liberté à nous-mêmes et à notre postérité, nous décrétons et établissons cette Constitution pour les États-Unis d'Amérique.
Préambule de la Constitution corse, 1755 :
La Diète générale du peuple corse, légitimement maître de lui-même, convoquée par le Général selon les modalités établies dans la cité de Corti les 16, 17, 18 novembre 1755. Ayant reconquis sa liberté et désirant donner à son gouvernement une forme durable et constante en le transformant en une Constitution propre à assurer le bonheur de la Nation.
Les deux constitutions ont une base similaire et commencent par séparer les pouvoirs.
Outre la constitution, six villes porteront le nom de Paoli :
• En Pennsylvanie (celle de la bataille),
• Au Colorado,
• Dans l'Indiana,
• Au Kentucky,
• En Oklahoma,
• Au Wisconsin
Mais plus que le nom de Paoli, d'autres villes des USA portent le nom de
• Corsicana, Texas, c'est bien en hommage à la Corse qu'elle est nomée ainsi,
• Corsica, Pennsylvanie,
• Corsica, Dakota du Sud
Enfin, d'innombrables routes, rues, avenues, boulevards, places, lieux (...) à travers les USA portent le nom de Pasquale Paoli en son honneur.
Si vous souhaitez encore plus de lecture, je vous invite à consulter (en anglais) l'article PAOLI: HERO OF THE SONS OF LIBERTY sur le site du Journal of the American Revolution.